Amirouche est le cavalier solitaire dans la chanson kabyle engagée. Surnommé le contestataire, il est toujours là pour pousser son cri de révolte et vibrer les cordes de son mandole jusqu’à l’indignation. Opposant farouche au pouvoir algérien et à l’intégrisme, il demeure fidèle à son engagement malgré le temps et en dépit de l’aspect barbon que prend la chanson engagée actuellement. Amirouche s’est choisi un petit prénom plutôt mignon. D’apparence sympathique. Malgré l’âge, il donne l’air d’un éternel gamin capricieux qu’il n’a jamais été en fait. Avec sa fine bouche on a du mal à soupçonner en lui une grosse gueule. Et pourtant... Il ne se retient pas aussi facilement pour "cracher" tout ce qu’il pense. C’est le portrait-type d’un contestataire qui ne s’est jamais gêné de s’en prendre au système, comme aux promoteurs de l’intégrisme. Il a beaucoup hérité de la rébellion de son père, et de celle de Matoub. Il en a monté son cocktail préféré qui le dope pour continuer à faire de la chanson, et rester ce qu’il a toujours été.
Il est comme ça, et il ne peut pas être autrement. Il a presque tout de Matoub. Ils ont beaucoup partagé ensemble. Amirouche se veut très reconnaissant envers le rebelle. "Je suis avant tout un fan, un admirateur, et je ne peux prétendre plus à son égard, même si on a été vraiment proches. On a beaucoup en commun. Mais il reste le rebelle. Et moi, devant lui, le petit contestataire".
BIOGRAPHIE
Amirouche, de son vrai nom Hamali Ramdane, est né le 3 janvier 1964 à Ath Lekssar dans la wilaya de Bouira. Il est fils unique. Son père décédera à peine sept mois après sa naissance. "Ça m’a engendré une enfance pas du tout facile à vivre mais au jour d’aujourd’hui j’en suis très fier. Il est parti en guerrier dans un champ de bataille dans l’affaire du FFS en 1963. On avait beaucoup souffert, avec ma mère qui est devenue veuve à l’âge de 17 ans. Par la suite, elle s’est remariée, sept ans après. Quelque part, je l’avais aussi perdue mais j’étais soulagé, pour elle. C’est la famille qui l’avait forcée à le faire, et j’étais pour, même si je devais finir par me retrouver seul. Enfin de temps en temps, je lui rendais visite quand même". Le petit Ramdane sera alors partagé entre ses cousins, et son défunt grand-père maternel qui en assumera le plus sa charge. Il a arrêté les études au niveau cours fin d’études pour tenter de s’assumer et se prendre en charge lui-même. Il avait à ce moment-là 14 ans. Son premier petit job sera en tant qu’apprenti dans une menuiserie à Bouira. Il lui sera fidèle, jusqu’à ce qu’il s’y met à la chanson. Son premier album remonte à 1983 chez Cadic. "Je le dois à Saïd Vouthlava. Il m’a donné un grand coup de pouce. Il m’a découvert lors d’un gala à la salle Errich de Bouira en 1982. Il a alors tout fait pour me faire monter à la capitale. J’ai enregistré une année après. Voilà. Mais, sinon je n’ai pas fait d’efforts pour aller à la chanson. C’est en moi. Je me rappelle que depuis mes dix ans, mon idéal était d’avoir une guitare entre les mains. Et j’ai fini par me l’offrir avec mes propres moyens". Ramdane se souvient l’avoir payée pour 75 DA. Il se mettra alors un peu plus sérieusement au chant, sans pour autant quitter son boulot. Il commencera comme tous les débutants par célébrer les fêtes avant d’aboutir à son premier produit qui ne cartonnera pas vraiment, reconnaît-il. Mais il donnait déjà le ton en le consacrant aux évènements d’avril 1980. Depuis, il n’hésitera pas à se mouiller dans toutes les contestations populaires. "A partir de là, je me suis complètement détaché de ma famille, comme j’ai quitté la menuiserie. J’ai alors surfé au gré du mouvement et du milieu de la contestation berbère". Il se retrouvera alors persécuté, avec un bon nombre de ses amis, par le pouvoir, alors encore "allergique" à la question amazighe. Le 13 janvier 1986, il sera interpellé, en plein concert, sur la scène de la maison de la culture de Tizi-Ouzou dont la direction revenait alors à Sid Ahmed Agoumi. "Si ce n’était la réaction énergique des étudiants, on m’aurait embarqué. Auparavant, Agoumi avait subi des pressions de la police pour annuler le concert. Le matin du gala, il m’a juste expliqué tout ça, et m’a demandé d’être un peu gentil sur scène, car ils sont derrière nous", m’avait-il dit. "Mais franchement, moi je m’en foutais pas mal. C’est même là ou je me suis lâché le plus. Et ce qui devait arriver, arriva. Mais, les étudiants se sont dressés contre les policiers. Ça a failli dégénérer. Matoub, qui était chez lui, à Béni Douala, et Athmani, ont pointé dès qu’ils ont entendu. C’est eux qui ont été voir le comité des étudiants". Amirouche trouvera alors refuge à la cité universitaire de la ville qu’il n’a pu quitter pendant les cinq mois qui ont suivi."J’étais dans la D28 avec Karim Yefsah, Kaci, et d’autres amis. J’étais tous le temps sous pression, car ordre était donné de m’arrêter. Mais ils ne pouvaient le faire tant que j’étais à l’intérieur de l’université". Amirouche attendra donc longtemps l’accalmie pour enfin rentrer chez lui à Bouira. Puis sous la pression et les menaces qui duraient, Matoub le conseillera en 1987 de traverser la Méditerranée.
ARRIVEE A PARIS
C’est Lounès qui m’a filé une adresse où je devais me rendre en France. C’était au 33, Rue Poulet, dans le 18ème à Paris. Un hôtel bar-restaurant où Lounès avait une chambre. J’y été le premier. Lounès m’avait rejoint cinq jours plus tard. On dormait dans le même lit. Il a été un frère pour moi. Chaque matin, au réveil, il me glissait 50 FF, parfois plus. Un vrai frère n’aurait peut-être pas fait autant…Il m’a beaucoup soutenu à me lancer dans les petites représentations dans les cafés parisiens».
A DIEU L’ALGERIE
Petit à petit, Amirouche se révèlera alors. En 1988, il sortira un nouvel album. "Et là je tiens à rendre un hommage à Arezki Moussaoui qui m’a aussi aidé". Par la suite, il fera alors d’incessants allers et retours entre Alger et Paris. Avec l’avènement du multipartisme, il n’hésitera pas à prendre position radicalement contre l’ex-Fis dans son fameux succès "Adieu l’Algérie M’ma yetfit el Fis". C’était en 1990, avec Toufik Iboudrarene. "Je peux dire que c’est l’album qui m’a vraiment lancé. Ça n’a pas été gratuit car ça m’a valu de terribles menaces, des représailles mais je n’ai fui à aucun moment. J’ai accompagné l’album sur le terrain malgré tout, et je me suis produit un peu partout : A Tizi, Michelet, Alger, Sidi Aïch, Bejaia...Enfin j’ai fait une tournée qui a très bien donné, et qui m’a marqué d’une manière ou d’une autre". Amirouche se souvient surtout de ce fameux gala du 29 Août 1991, au théâtre de Verdure d’Alger où il a été carrément agressé sur scène par des islamistes. "J’étais à ma quatrième chanson, c’était justement “Adieu L’Algérie”, quand des cris d’Allah Akbar fusaient de la salle. J’ai vu alors des armes blanches brandies, c’était chaud, et ça a créé une pagaille dans la salle. Certains me visaient directement en tentant de m’agresser physiquement. Je n’ai dû mon salut qu’à des amis qui m’ont évacué pour me réfugier dans les coulisses. J’ai quitté la salle, caché dans un véhicule d’un immigré que je ne connaissais pas du tout. Car dehors, devant le portail, ils étaient des dizaines à crier ma mort. On m’a alors fait fuir à Sidi Fredj ou j’ai passé la nuit chez le défunt Smaïl Yefsah qui était un bon ami, et Smaïl Marichal, mon actuel producteur".
"Yefsah m’a sauvé des intégristes" Amirouche raconte qu’il devait rentrer sur Bouira dès le lendemain mais il a fini par y séjourner durant une petite semaine. Un laps de temps où il aura à vivre une autre mésaventure avec un réalisateur de la télévision algérienne. "Je crois qu’il s’appelle Ayad ou Ayadi. On se connaissait un peu de loin car ce n’était pas la première fois que je me rendais à Sidi Fredj. Il y a beaucoup de chanteurs qui rôdaient là-bas mais j’étais le seul peut-être qui ne lui accordait aucune importance. Entre moi et lui, c’était juste bonjour ou bonsoir. Je n’admettais pas de voir certains payer pour passer à la télé de leur pays, ya boureb ! Ce jour-là, on étaient à près de quinze amis à dîner à la Madrague. Il y avait les deux “Smaïl”, Toufik, et d’autres. Il m’avait alors lancé que tant qu’il serait à la télé, je n’avais pas à espérer de passer. Je lui ai alors rétorqué que ça ne m’intéressait pas du tout. Ça ne s’est pas arrêté là. On a fini par en arriver aux mains. Au retour à Sidi Fredj, j’étais tellement noir de colère que je l’ai visé avec une brique mais je l’ai raté. J’ai touché la voiture de Toufik". C’est durant cette même année que Amirouche décidera d’aller s’installer définitivement en France. En 1995, il commet un autre album, un véritable pamphlet contre le second de l’ex-Fis. Puis, trois autres qui traitaient de la concorde civile, le Printemps noir, et la fraternité entre les siens. "Mais c’est celui de 1995 qui m’a créé des problèmes énormes, des coups de fil anonymes menaçants...Même ma petite famille a été menacée. J’ai été sous la protection de la police française, mais ce n’était guère rassurant. En 2002, en rentrant chez moi après une émission en direct sur BRTV, j’ai retrouvé mon restaurant saccagé. C’était trop, je n’en pouvais plus. Ce qui m’avait alors poussé à annoncer que j’arrêtais la chanson au bout d’un grand gala le 20 mars 2004 à Paris. A ce moment- là, pour moi c’était mon gala d’adieu". Mais tout compte fait, ces adieux n’auront duré qu’une petite année, puisque Amirouche n’aura pas trop résisté à se retenir. Son nouvel Album, "À L’Dzaier Inou" (Mon Algérie à moi), sort ce samedi. En dehors de ça, Ramdane mène une vie des plus paisibles à Paris sans pour autant couper avec ses origines. Il est propriétaire d’un restaurant-discothèque qu’il a acquis depuis 1997 en plein Paris, dans le 10ème arrondissement. Il en est terriblement fier. Mais il l’est encore plus de sa femme "qui me supporte, et qui endure avec moi. Avec elle j’ai réussi mon meilleur projet dans la vie : mes deux enfants, Massinissa, 12 ans, et Anais, 10 mois". C’est clair : Amirouche n’est pas de ceux qui oublient d’où ils sont partis
SOURCE de L’ARTICLE : http://elesnam.e-monsite.com/pages/musique-kabyle/amirouche-chanteur-kabyle.html
"J'ai choisi cette chanson parce que c'est ma préférée même si j'aime toutes les chansons de Amirouche. Je trouve cette chanson la plus aboutie sur tous les plans. Je l'ai écoutée plus de 100 fois et je l'écoute toujours avec le même plaisir et la même rage".
Karim Kherbouche