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Lewhama, une troupe drôlement «cinglée» Ses comédies font parler d'elle en Kabylie
Vêtements volontairement fripés, le regard faussement naïf, le geste brouillon et chatouilleur, le verbe simplet et niais, Attef, Massinissa et les autres forment drôlement bien leur bande de Lewhama. Ils sont souvent deux, mais parfois plus. Et plus on est de fous plus on rit.Très inspirés dans leur jeu, ils ne manquent pas de drôlerie et quand ils sont au sommet de leur art ils dérident les plus retenus parmi leur public. Au dernier festival du rire de la ville de Béjaïa, ils ont donné à rire à gorge déployée. Sur la scène, trois personnages : un animateur de télé (Mouloud Hamidouche) recevant deux chanteurs en herbe plutôt cocasses (Attef et Massi). Les répliques donnent forcément un dialogue de «cinglés». C'est depuis plus de deux ans que cette troupe fait parler d'elle en Kabylie et gagne des galons à chacun de ses produits qu'elle baptise du nom de Lewhama. A vrai dire, le groupe s'appelle Awal, mais le succès est tel que le public l'a baptisé du nom de ses 'uvres. La troupe en est aujourd'hui à son quatrième disque compact avec la sortie dans un mois (selon le producteur Mourad Bouchafa de Ciné Kabyle) de Lewhama 4, une nouvelle comédie fidèlement sociale qui replonge dans le vécu de tous les jours avec un clin d''il aux traditions. Tout a commencé en 1997. «Nous jouions dans la troupe du CEM mixte de Tazmalt», se rappelle Attef. Deux ans plus tard, nos comédiens coupent court avec le monde du collège et se retrouvent dans la troupe théâtrale de leur paisible village Roda.Depuis leur lointain patelin, coincé entre la commune de Tazmalt, dont il dépend administrativement, très loin de l'épicentre culturel du chef-lieu de wilaya de Béjaïa, tout à son extrême sud-ouest, et celle d'At Mellikeche, Attef et ses acolytes ont fait du chemin avec leurs comédies. Beaucoup croient au pastiche de l'émission comique Lefhama diffusée sur l'Entv. «Ce n'est pas le cas. L'idée du nom Lewhama m'est venue en 2009 parce que nous jouons des situations bizarres comme le fait qu'en 2013 des gens vivent encore sans eau dans les robinets», nous explique Berkane Hilal, dit Attef. Son complice, Massinissa Aberbour, le rejoindra en 2004 pour former la paire gagnante de la troupe. Les débuts étaient laborieux. «En 2009, nous répétions sous un olivier avec un caméscope», affirme Attef. Pour la restauration, des oignons trempés dans de l'huile de l'olive ont fait l'affaire. «Avec les bons de l'association du village, nous faisions des quêtes auprès des petits commerçants. Certains nous donnaient 10 DA», se souvient Massi. Pour l'accoutrement, on plonge dans la friperie du marché de Tazmalt. «Mais jamais la même fripe pour la même comédie», précise Attef.En 2010, Lewhama 1 arrive chez les disquaires, sans grand succès. Pour Massi, Lewhama 1 n'a pas bénéficié d'une campagne de promotion. «Nous avons été arnaqués», pense Attef, convaincu que «Lewhama 2 a fait connaître Lewhama 1». Charlatanisme, stress hydrique, médiocrité artistique, chômage... Lewhama 2 est un concentré de ces réalités véhiculant des messages. La troupe, formée autour d'un seul élément féminin (Boumeridja Dalila), absente de Lewhama 4, gagne quelque peu en moyens techniques et voit arriver des sponsors. A sa sortie en 2011, Lewhama 2 s'est vendu à plus de 40 000 exemplaires. En 2012 naît Lewhama 3 qui accroche un public nouveau avec de meilleures ventes, en dehors du piratage qui fait des ravages. Produit par Edition Ciné Kabyle, Lewhama respire le succès avec une meilleure promotion. Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Sétif, Alger, Tindouf, et une invitation ratée pour la France, l'agenda des spectacles est plein. Et Lewhama, du mot kabyle qui signifie «étonnement», promet encore' d'étonner.