Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ceux qui ont donné à Hanifa le surnom d’Edith Piaf de la chanson kabyle ne se sont pas trompés. Outre la ressemblance frappante des thèmes de leurs chansons, les parcours des deux femmes eurent beaucoup de points communs : échecs successifs en mariage, errance, foyer désunis, bohème, incompréhension de la société, déchirement, et j’en passe.

 

A tout cela s’ajoute, pour Hanifa, le mariage forcé qui la poussa à la fugue et puis à une sorte de révolte contre l’ordre établi : au moment où, en Kabylie et partout en Algérie, il était mal vu même d’écouter la radio en famille, Hanifa, défiant les interdits, chantait et exprimait en public et sans retenue ses goûts, ses envies de femmes et les plaisirs de la vie. Elle était une artiste-née et en avance sur son époque.

Le succès fut d’ailleurs vite fulgurant notamment auprès de la gent féminin qui l’écoutait et apprenait ses chansons en cachette. Le charme de sa beauté et la suavité de sa voix la rendirent incontournable sur la scène musicale. Néanmoins, ceci n’a pas eu que de positives répercussions sur sa vie, bien au contraire.

A l’âge de 18 ans, elle fut mariée de force par son papa à un ami à lui qui la dépassait de 12 ans. L’union ne dura pas longtemps, la jeune femme décida de fuguer parce que son mari, un homme jaloux, la battait sans cesse. A son retour au bercail, elle retrouva sa famille dans une ambiance délétère : ses parents se disputaient en permanence. Les choses empiraient de plus en plus : son frère, son unique confident, convoyeur de l’armée, mourut ; son père se remaria…

Alors, en compagnie de sa maman, elle retourna à Alger où elle avait déjà habité avant avec sa famille. Elle se remaria et divorça quelques temps plus tard avec une fille en bas âge à sa charge.

L’artiste en proie aux multiples difficultés se vit obligée de travailler pendant un certain moment comme bonniche pour subvenir aux besoins de sa fille et de sa mère. Son habitation de fortune, elle partageait avec Chérifa, l’autre pionnière de la chanson kabyle féminine. Hanifa se remaria une troisième fois avec un homme riche mais, encore une fois, ce mariage sera de courte durée. Troisième divorce, de nouvelles blessures.

Malgré la misère, Hanifa tient à son rêve : un jour, dans les années 50, elle décida de tenter sa chance à la chaîne kabyle de Radio-Alger. Avec un coup de pouce du célèbre Cheikh Noureddine, chanteur et animateur, qui tomba illico sous le charme de sa voix, elle put chanter pour la première fois en direct et participer à la chorale féminine.

En 1957, elle s’envola pour la France, à Paris plus exactement, où elle rencontra beaucoup de talentueux artistes algériens de l’époque et se produisit dans des cafés. On dit que Hanifa n’avait jamais eu un chez soi aussi bien en Algérie qu’en France. La chanson ne lui avait rien apporté sur le plan matériel, sinon pas grand-chose. C’est dans une chambre d’hôtel qu’on la retrouva morte en 1978, des suites d’une maladie. Elle sera retenue à la morgue durant un mois avant que sa dépouille mortelle ne soit rapatriée et enterrée au cimetière d’El-Alia. Hanifa disait dans l’une de ses chansons : "Je ne chante pas, je ne fais que dire la souffrance que j’ai endurée». Repose en paix, Hanifa, on ne t’oubliera jamais !

Karim Kherbouche

 

Tag(s) : #Potrait, #Biographie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :