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Boudjemâa Agraw n’est pas à présenter. Il est de ces artistes engagés qui chantent et disent ce que bon leur semblent sans chercher à plaire, même à leur public. Pendant la décennie noire qui a vu la plupart de nos artistes fuir le pays soumis au diktat des hordes terroristes, Boudjemâa est resté en Algérie pour rassurer ses concitoyens et ses fans en continuant courageusement à chanter et à lutter dans son pays contre l’obscurantisme. En outre, le gentleman Agraw n’a pas choisi le show-business qui lui sied pourtant à merveille, il a l’élégance et le style artistique très en vogue, qui a séduit de nombreux jeunes, notamment pendant les années de "Ul-iw Yedduqus". Son combat est-il suffisamment reconnu, du moins par les siens ? Selon ses différentes déclarations, l’artiste ne semble pas très satisfait, voire même déçu. Il a bien accepté de répondre à nos questions avec toute la franchise que nous lui connaissons. 

Le groupe Agraw, c’est toute une histoire, n’est-ce pas ?  
Boudjemâa Agraw : « Le groupe Agraw, je l’ai créé dans les années 80 pour rendre hommage à l’Académie berbère qui a été dissoute par le gouvernement français et qui a existé de 1966 à 1978. C’est pour faire revivre le nom de Agraw Imazighen que j’ai choisi de nommer mon groupe "Agraw". Et ceux qui ont participé avec moi n’étaient que des musiciens. Sinon, c’est moi qui ai composé toutes les chansons de Agraw et qui ai choisi le style musical. Pour la suite, tout le monde la connaît, je n’ai pas à revenir sur le sujet. «  
 
Avez-vous des souvenirs avec votre groupe que vous désirez partager avec nos lecteurs ?  
« Enfin, des souvenirs, j’ai pas mal de souvenirs, je n’ai que de bons souvenirs avec Agraw, notamment son retentissant succès en 1983 «  
 
Comparativement à vos anciennes chansons, on sent qu’il y a un léger changement actuellement, pourquoi ?  
« Le style du groupe Agraw a évolué, c’est le niveau des gens qui n’a hélas pas évolué. Quand on prend, par exemple, la musique des années 80 et celle d’aujourd’hui, moi je pense que le groupe Agraw a évolué dans le domaine de la musique et du texte. Le problème que rencontre justement le chanteur engagé c’est qu’il ne peut pas rentrer dans les médias lourds et il n’a pas assez de moyens pour pouvoir faire sa propagande comme tout le monde. La chanson engagée porte plus sur le réveil des consciences. J’ai l’impression que, ces derniers temps, quand une chanson ne fait pas danser, elle n’intéresse pas beaucoup les gens. C’est pour ça peut-être qu’il y a un petit recul, mais ce recul ne se situe pas au niveau de la composition, du style ou de la musique. L’ennui est que si on ne fait pas des chansons d’ambiance, on n’a pas une très grande écoute. Moi, je ne fais pas danser les gens, au contraire, je les fais se réveiller. «  
 


Lors des galas où chantait Matoub, nous avons constaté que beaucoup de chanteurs sont chahutés par les fans du Rebelle, vous étiez parmi les rares à pouvoir les calmer et à leur chanter, quel est donc votre secret ?  
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« C’est une question difficile, parce que logiquement c’est au public de répondre, mais je pense que les gens me connaissent une certaine sincérité et franchise. C’est peut-être grâce à ça que je peux chanter où je vais avec n’importe quel chanteur. J’arrive à satisfaire le public qui me fait confiance et à qui je fais confiance. «  
 
Parlez-nous justement de Matoub avec qui vous aviez partagé plein de moments ?  
« Avec Lounes Matoub, que Dieu ait son âme, nous avions passé de bons moments et des moments difficiles aussi. Nous n’avions pas connu que des instants de gloire mais également bien des situations délicates, surtout dans les années 80. J’ai beaucoup travaillé avec Matoub, j’ai même édité une de ses cassettes. Nous nous voyions presque tous les jours, de 8 jusqu’à 10 heures par jour en France. Comme dit le proverbe : » les héros meurent jeunes. «

 

Revenons à vos problèmes avec la justice, où en êtes-vous ?  
« Selon les dernières nouvelles, c’est à dire les derniers accords avec les archs, tous les problèmes de justice qu’ont les délégués du mouvement citoyen ont été simplement annulés, je pense que je fais partie de ces gens-là. En ce moment, je ne suis pas inquiété, je pars tous les deux trois mois en France et il m’arrive d’y aller deux fois par mois. Je ne rencontre aucun problème. Pas comme avant.«  
 
Votre passeport vous a donc été restitué ? 
Oui, ça va faire maintenant deux ans, c’est vers la fin 2002 que mon passeport m’a été restitué et de ce côté-là pour le moment je n’ai aucun problème.  
 
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Préparez-vous un nouveau produit ? 
En ce moment, j’ai terminé l’enregistrement d’une cassette, je me suis basé sur la musique cette fois-ci, j’ai créé un nouveau style de musique pour pouvoir faire barrière à des musiques orientales, occidentales et rai qui sont en train de prendre de l’ampleur en Kabylie. Là, je peux garantir que s’il y a un chanteur oriental ou occidental qui peut faire mieux que moi, je me casse dans le domaine de la musique, j’arrête carrément de chanter ! Cette année, je vais faire barrage à tout ce genre de musique qui nous vient d’ailleurs.  
 
Cela signifie-t-il, d’après vous, que la popularité de la chanson kabyle est en déclin ?  
Oui, parce que les élites de la chanson kabyle sont des chanteurs engagés qui donnent plus d’importance à la poésie. Cette fois, j’ai décidé de donner de l’importance à la musique, les gens vont s’apercevoir qu’on peut faire de la très bonne musique et qu’on peut égaler les musiques occidentales. Ceci dit, cela ne signifie pas que je ne vais plus faire de la chanson engagée, mais pour prouver qu’on peut rivaliser avec n’importe quelle musique occidentale, il suffit de travailler et de se casser la tête. Et je pense que cette année va être la bonne et que la médiocrité ne primera jamais ici en Kabylie. Pour ce nouvel album, le travail a été fait ici, j’ai fait des masters dans un grand studio en France...  
 

Entretien réalisé par Karim KHERBOUCHE

logo chanson kabyle1

 

Tag(s) : #Interviews
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