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Cela fait presque seize ans, jour pour jour, que nous quittait la figure emblématique de la chanson kabyle sentimentale, Zohra. A cette occasion, l’association culturelle Asurif, en collaboration avec la Maison de la Culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, lui a rendu un vibrant hommage du 19 au 22 janvier 2008. Outre les manifestations culturelles ayant drainé un public nombreux, une gerbe de fleurs a été sur la tombe de Zohra, dans un moment de mémoire et de recueillement.

C’est en janvier 1995, après avoir donné un concert, que Zohra mourut tragiquement à l’âge de 32 ans dans un accident de voiture sur la route de Paris-Marseille. A bord du véhicule, elle était en compagnie d’amis proches, tel que le célèbre musicien Allaoua Le Blond. Ce dernier raconte : en raison de la météo qui ne cessait de se gâter, nous n’avions pas l’intention de rentrer ce soir-là. Mais, Zohra insistait pour qu’on aille sur Marseille. Nous lui avons déconseillé de voyager dans de telles conditions météorologiques mais elle ne voulait rien attendre. Nous avons fini par accepter de l’accompagner. En cours de route, elle n’a pas arrêté de nous parler d’artistes décédés à l’image de Ahcène Mezzani, comme si elle avait un pressentiment qu’elle allait les rejoindre dans très peu de temps. Nous roulions difficilement en raison du brouillard et du verglas. Tout à coup, au petit matin, alors que nous avons fait un bon bout de chemin, la voiture glissa et le conducteur perdit son contrôle. Tout se produisit en quelques secondes. Sans nous rendre compte de ce qui s’est produit, le véhicule à bord duquel nous étions se retrouva sur le bas côté de la route. Zohra inerte, ne respirait plus et elle ne répondait pas à nos appels, ce fut tragique, on n’en revenait pas !         

La vie de la fille d’Aguemoune ressemblait à toutes celles des filles villageoises de Kabylie de l’époque. Elle apprit tôt les tâches ménagères, la récolte des figues et des olives, le jardinage, le travail de la laine, etc. Elle aimait aussi la lecture bien qu’elle n’ait jamais fréquenté l’école et elle adorait la musique. Comme toute femme kabyle qui se respecte, son lieu de prédilection était la fontaine du village où elle se retrouvait avec les filles de son âge pour discuter de tout et de rien. On dit qu’elle préférait écouter les autres plus qu’elle ne parlait.

Néanmoins, cette ambiance bon enfant propre aux Montagnes de Kabylie s’écroula vite pour elle quand, en 1980, à l’âge de 18 ans, elle se maria, eut une fillette et divorça très tôt. Elle se remaria quelque temps plus tard, elle eut une autre fillette et divorça une deuxième fois. Ce fut comme un choc chez cette femme à la sensibilité à fleur de peau. En 1982, elle sortit son premier album qui rencontra un retentissant succès. Femmes et hommes, tout le monde se retrouva dans ses belles chansons qui firent d’elle une porte-parole de la femme algérienne en général et kabyle en particulier. Elle sut mêler délicatement mélancolie, tendresse et révolte de femme contre l’ordre établi, tout en prenant soin d’insuffler l’espoir dans le cœur de ses auditrices. Tout était fidèle à l’image de l’individualité de cette talentueuse artiste autodidacte.  

Aujourd’hui encore, Zohra –que Dieu l’accueille dans son vaste paradis- continue d’exercer une influence remarquable sur la chanson kabyle féminine. Bien des jeunes chanteuses rêvent de marcher dans son sillage. En seulement 15 ans de carrière, elle nous a légué un florilège de 36 chansons qui en disent long sur sa vie tumultueuse. Elle écrivait et interprétait ses chansons en y mettant tout son cœur, c’est pourquoi elles touchent les cœurs de ceux même qui ne comprennent pas la langue dans laquelle elle chante. Qui n’a pas savouré la beauté des textes, entre autres, de « A lwerd yefsan », « Ayen ayen », et toute la chaleur que dégage sa magnifique voix ? C’est le plus beau cadeau qu’elle a décidé de nous offrir avant de s’éclipser à jamais.    

Repose en paix, Zohra, tu es plus que jamais présente dans nos cœurs.     

Karim KHERBOUCHE

Tag(s) : #Potrait
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