Ton premier album est enfin sur le marché, quel est ton sentiment ?
Je pense d’ores et déjà à mon prochain album.  Je peux faire beaucoup mieux que ça. Je remercie l’association Idles et tous les rappeurs qui m’ont donné un coup de main dans la réalisation de cet album. 

A écouter tes chansons, à l’âge de 18 ans, tu es déjà un pur et dur du rap engagé et très critique vis-à-vis du rap récréatif … 
Avant tout, c’est Matoub que j’écoutais le plus depuis ma tendre enfance. Matoub est le père spirituel des rappeurs kabyles. Il nous a inculqué son côté underground qui était le sien bien qu’il chante autre chose que le rap. Cette liberté de ton, c’est surtout grâce à lui que nous l’avons acquise. Nekk d yiwen ger wid i d-irebba Lwennas !

Certaines de tes chansons n’existent que sur internet, des centaines de personnes les consultent quotidiennement, est-ce que tu les juges trop obscènes pour les sortir sur le marché ?
(Eclat de rire) Ah non, ça c’est inaudible dans notre société ! Ad asent-slen yimawlan ad ayi-ssufghen seg wexxam !!! De plus, je ne crois pas qu’il y ait un éditeur qui accepterait d’éditer des chansons pareilles. Ceci n’a pas empêché beaucoup de jeunes à les télécharger et à les écouter sur leurs baladeurs. Franchement, je ne m’attendais à un tel succès de ces chansons, vu la vitesse avec laquelle elles sont diffusées sur la toile. Des personnes anonymes s’en sont chargées en les mettant en ligne sur leurs blogs et sites. On les retrouve sur plusieurs sites internet et forums. Internet nous permet de dire ce que l’on ne peut pas dire dans nos albums. Et c’est déjà pas mal (rire).

Est-ce que tu te shootes comme tu le dis dans tes chansons !?
(Eclat de rire). Ah non !!! Dans mes chansons je me mets dans la peau des personnages qui ne sont rien que le fruit de mon inspiration de la réalité de chez nous. La rue algérienne pullule de mes personnages auxquelles je ressemble étant moi-même un enfant de cette Algérie profonde. La jeunesse de notre pays a ses propres maux et ses propres mots pour les dire. La Kabylie, ce n’est ni les ghettos américains, ni la banlieue française.

Les études, Karim ?
Je les ai arrêtées au collège ! (rire). J’avais une autre occupation : le rap. C’est dommage mais c’est comme ça. Toutefois, je ne pleurniche pas, j’ai d’autres chats à fouetter. Yerna, leqraya s lugha n yeghyal rnigh-tt i win i tt-yebghan. Amer s tmazight, ad ghregh s tidett!

Parlons du langage dont fon usage les rappeurs …
Ca ne sert à rien d’abuser de termes étrangers à notre langue. On est bien capable de chanter le rap en kabyle bien soigné. Le kabyle est une langue du rap. Je ne tiens pas à toucher le monde entier, je chante pour les miens. Sans les miens, je ne suis rien. La vie m’a appris que pour se faire connaître, il faut d’abord se connaître. Ceci n’explique pas que je me désintéresse de ce qui se passe ailleurs. Je suis le frère de tous les humains et l’ami de la faune et la flore.

Que penses-tu des rappeurs algériens en général ?
Nekk snegh kan wid icennun rap s tmazight, wiyad ad ruhen ad fken !

Lotfi Double Kanon par exemple…
Ad iruh ad ifek taxna-s !

Enfin, qu’est-ce qu’il faut pour que le rap kabyle prenne son envol ? 
Le rap kabyle a besoin leader ! On l’aura dans seulement quelques années à venir, j’en suis certain. Le public existe et il est de plus en plus nombreux. Comme vous pouvez le constater, la plupart des jeunes d’aujourd’hui adorent le rap. Les éditeurs n’ont qu’à ouvrir grand les yeux et se mettre au diapason des nouveaux goûts des jeunes mélomanes. La Kabylie, connue pour être une région frondeuse, a besoin de rap. Le rap engagé, c’est aussi le rap commercial puisqu’il a son public. Qu’on cesse alors d’entretenir l’amalgame là-dessus.  
Je lance un appel à tous les jeunes rappeurs kabyle pour chanter en kabyle. On ne peut chanter en arabe mieux que les arabes, on ne peut pas non plus chanter en français mieux que les français. Naturellement, personne ne peut chanter en kabyle mieux que nous les kabyles. Le Kabyle est une très belle langue, c’est notre originalité.
Ce dont je suis sûr, c’est que le pouvoir algérien ne soutiendra jamais un rappeur kabyle et ce, quelque soit la langue dans laquelle il chante. Le rap et la Kabylie sont deux mots qui lui font peur.        
 

Tanemmirt a Karim.
Tanemmirt a gma !     
                                                                                  Propos recueillis par Karim Kherbouche 
 

Tag(s) : #Interviews
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