Pour être ce qu’elle est aujourd’hui, une icône vivante de la chanson kabyle, Yasmina n’a pas choisi les sentiers battus. Elle a parcouru des chemins étroits et semés d’embûches. Pour elle, chanter, c’est dire sa douleur et celle de beaucoup de ses semblables et, par ricochet, résister face à une honteuse et archaïque façon de penser pourrissant la vie aux femmes.
Pour cela, l’arme redoutable de Yasmina est sa belle voix, sa grande capacité à comprendre le monde qui l’entoure, sa foi en l’amour et sa parfaite connaissance de la culture et la langue ancestrales. Tout cela se conjugue à sa farouche obstination à aller jusqu’au bout de ses rêves. Ce sont d’ailleurs tous ces éléments-là que l’on retrouve dans l’émouvant récit de sa vie et dans ses magnifiques chansons.
Yasmina est actuellement l’une des rares chanteuses kabyles à être connue et admirée de toute sa communauté à travers le monde. Elle est donc une sorte de trait d’union entre les enfants de son pays et de vecteur de notre culture. En Algérie, en France ou au Canada, partout où elle passe, elle fait salle archicomble. L’amour que lui voue son public est immense et sa popularité va crescendo. Mais, ce n’est pas pour autant que cette chanteuse sentimentale perde la tête car elle a bien compris que demeurer égale à soi-même stimule la créativité.
Dans cette interview qu’elle nous a accordée, Yasmina nous ouvre son cœur et s’exprime pour la première fois sur bon nombre de sujets intéressants. Ecoutons-la.
Qu’est-ce que ça te fait de savoir que ton dernier album s’est taillé un joli succès ?
J'aurais bien aimé être en Algérie pour assister à l’événement de près. Ceci dit, l'important est que le message soit bien passé à en croire les échos que j’ai eus. Je dis à mes fans que mon cœur est toujours avec eux bien que je sois physiquement loin d’eux.
J’avoue qu’au moment de la sortie de cet album que j’ai intitulé "N'mara n tmara", j'ai eu beaucoup de stress. C’est le même état d’esprit que j’ai en m’apprêtant à monter sur scène pour chanter devant mon public. Cela m’a soulagée d’apprendre ce produit a rencontré un vif succès auprès de mon public que j’ai peur de décevoir.
Le succès ne t’affole-t-il pas ?!
Non, pas à ce point! (rire) Ce n’est pas ce que je recherche d’ailleurs. Toutes mes chansons racontent pratiquement ma vie. Mes joies et mes soucis sont ceux de beaucoup de femmes kabyles. Les chanter (me) soulage. C’est une sorte de thérapie.
Ceci dit, tu crains quand même que ton prochain album soit moins bien fait que celui-ci, n’est-ce pas ?
D’un côté, c’est vrai mais j'ai la chance d’être entourée de talentueux musiciens, tels Madjid Halit et Mohand Tahir ... Et on ne lésinera pas sur les efforts pour que ce soit toujours mieux et ce, avec l’aide de Dieu.
Passons sans transition à ton mariage, en été 2006, si cela ne te dérange pas. Tes fans n’ont pas bien apprécié que sa célébration soit faite en cachette, qu’as-tu à leur dire ?
Non, je ne suis pas mariée en cachette ! (rire) Au contraire, lors de mon mariage, la radio chaîne deux ainsi que des journalistes d’un quotidien national étaient présents. J’avais envisagé de l’organiser dans un stade ou bien dans une grande salle pour faire assister le maximum de gens mais ce n’était pas possible. Dommage.
Quelques jours après ton mariage, tu étais montée sur scène à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi, vêtue de ta nouvelle robe de mariée (voir photos), pourquoi donc ?
C’était justement pour moi l’occasion de fêter mon mariage avec mes fans. Mon public, c’est ma deuxième famille.
Comment Yasmina arrive-t-elle à faire l’équilibre entre sa vie de famille et sa vie artistique ?
C'est difficile mais je fais avec. Je m'absente pendant les moments d'enregistrement et les spectacles mais des fois mes enfants viennent avec moi et ils aiment bien ça. La vie continue et Dieu merci.
C’est vrai que ce n’est pas toujours facile d'être au four est au moulin mais bon. J’arrive quand même à joindre l’utile à l'agréable heureusement. Mes enfants sont ma raison d’être, ma source d’inspiration. La vie, c’est un ensemble d’éléments en harmonie et, comme on dit, si un être manque on sent que tout est dépeuplé.
Quand tu es heureuse dans ta vie privée, tu ne te sens pas à court d’inspiration, toi qui est plutôt triste dans tes chansons ?
La tristesse, ça fait partie de la vie. Elle est là pour donner un sens à la joie. Tant que j’aime la chanson, rien ne pourra me changer de direction. Je continuerai toujours de chanter ce pour quoi mon public m’a adoptée.
Un fan t’accoste en pleine rue et te demande un autographe et tu es pressée, que ferais-tu ?
Je lui signerais un autographe s’il n’y a pas d’empêchement majeur.
Un de tes enfants veut devenir chanteur, que lui conseillerais-tu ?
Je l'aiderai s’il a vraiment la chanson dans le sang.
Ton chanteur ou chanteuse préférée ?
J'aime un chanteur qui est connu pour avoir payé de sa vie son combat et une chanteuse qui a chanté les difficultés de la femme algérienne. Tout le monde devine qui c’est.
Qu’est-ce que tu regrettes dans ta vie, Yasmina ?
Non, je ne regrette rien. J’ai réalisé mon rêve de devenir chanteuse, peu importe que je paye un lourd tribut à la bêtise humaine. Peu importe les séquelles de mon passé. La fin justifie les moyens. Dieu merci, mes enfants sont là avec moi et la vie continue.
Quels sont tes projets à court terme ?
Je me suis produite là où il y a mes fans : au Canada, en France… et mon souhait actuellement est de rentrer en Algérie pour retrouver mon public. Cela me manque terriblement.
Quel est le plus grand rêve de Yasmina ?
Mon plus grand rêve est d’accumuler le plus d’argent possible pour aider les handicapés, les malades et les pauvres.
Un dernier mot avant de se quitter ?
Un coucou pour mon public. Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidée et particulièrement Madjid Halit, Mohand Tahir, Youcef Saou, Hamid Moualhi, Dahmane Ben Dahmane, Rabah Oukrine, Samia Tmeghras, l’équipe du studio la Muse, et toutes mes excuses à celles ou ceux que j’ai oubliés de citer.
Je profite de l'occasion pour saluer yemma Aldjia Matoub, Ferhat Imazighen Imula. Je souhaite la paix, l'union et la prospérité pour notre pays.
Entretien réalisé par Karim KHERBOUCHE
Photo de Samia Tmeghras