D’abord, parlez-nous de votre histoire, Massiva ?
Je suis victime de pratiques injustes que l’on croit de nos jours révolues. Tout a commencé quand j’avais à peine 16 ans, j’étais collégienne. Moi, je rêvais de faire des études poussées, mon père voulait me marier à un homme âgé. J’étais sans cesse harcelée pour accepter ce mariage. Mon père jurait par tous les saints qu’il me tuerait si jamais je refusais cet homme.
Je suis issue d’une famille démunie et cet homme de condition aisée promettait à mon père –éboueur de son état- de l’aider à surmonter ses difficultés financières.
Lors d’une des incessantes visites chez nous, j’ai même dit à ce type que je le haïssais et que je refusais de l’épouser. Mais il insistait et il offrait plein de cadeaux à mon père pour l’amadouer. Comme si j’étais une marchandise que mon père échangeait contre l’argent de ce type sans scrupules.
Devant leur insistance, j’ai pris la décision de fuguer. Je me suis rendue chez une amie. Quelques jours plus tard, pensant que mon père était au boulot, je suis revenue à la maison pour voir ma mère et prendre mes affaires. Et là, il m’a surprise dans la cuisine et il m’a passée à tabac. Il a aussi frappé ma mère à qui il reprochait de s’opposer à ce mariage. Il m’a enfermée à la maison. J’étais complètement perturbée, je ne me rendais plus au Collège.
N’aviez-vous pas pensé à déposer plainte pour mariage précoce et forcé ?
Déposer plainte contre mon propre père ?! C’aurait été une grande hérésie. De plus, envoyer mon défunt père en prison, ce serait priver ma famille nombreuse de la seule personne qui la prenait en charge et je ne voulais pas non plus souffrir ma mère davantage. Maintenant que justice m’a été rendue, je n’ai pas l’intention de remuer le couteau dans la plaie ou de mettre une personne précise sur la sellette. La société entière en est responsable et en parler est le début de la fin de l’arbitraire dont sont victime encore les jeunes filles…
Continuez votre histoire…
Lors de ma fête de mariage, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps au vu et au su de tous. Me voyant ainsi malheureuse et sans défense, nombreux étaient les invités qui ont dû quitter la maison de mon mari avant même que la cérémonie n’arrive à son terme. Pour moi, ça ressemblait plutôt à des funérailles qu’à une fête de mariage.
Au début, je me culpabilisais pensant peut-être que mes parents avaient raison car ils ne voulaient que mon bien. J’ai alors essayé d’accepter mon sort tel qu’il se présentait à moi. Mais, j’étais trop jeune, dynamique, ambitieuse, je broyais du noir dans ma situation de fille au foyer.
Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que d’incessantes scènes de ménage éclatent entre moi et mon mari. Sa mère et ses sœurs montrent leurs griffes et s’attaquent à moi sans ménagement. Mon mari est alors passé aux coups. Il ne se passait pas un jour sans que je ne sois battue à mort. Une année après notre mariage, le médecin constata qu’on ne pouvait pas avoir d’enfants ensemble, mon calvaire allait alors crescendo. Les cicatrices sont encore là sur tout mon corps pour témoigner du calvaire que j’ai enduré.
Deux ans après, survint le décès de mon papa des suites d’une longue maladie. Lors de son enterrement, j’ai décidé de prendre contact avec mon oncle pour me réfugier chez lui. Je lui ai tout dit sur le martyr que je subissais, il a accepté de m’aider. Il m’a accompagné dans toutes mes démarches pour déposer plainte contre mon mari et demander le divorce. J’ai obtenue gain de cause : le divorce m’a été accordé et mon ex mari est condamné.
Vous êtes encore jeune, Massiva, pensez-vous maintenant refaire votre vie avec un autre homme ?
Actuellement, je suis prise en charge par un psy. Je me rétablis peu à peu. Je veux d’abord oublier ce cauchemar. Je reprends ma vie en main petit à petit. Je me suis inscrite à une formation en informatique et, parallèlement, je continue mes études par correspondance. C’est cela ma priorité pour l’heure. Dur de tourner la page définitivement.
A quoi ressemble votre nouvelle vie d’aujourd’hui ?
A part étudier et aider ma mère à la maison, je passe le plus clair de mon temps libre à écouter de la musique ! Mes idoles, -tu le devines bien sans doute (rire)-, sont : H’nifa, Chérifa et Zohra, toutes des chanteuses qui ont subi pratiquement les mêmes injustices que moi. Quand on se rend compte qu’on n’est pas la seule dans son cas, on est soulagée. Hélas, moi, je n’ai pas profité, comme la plupart des filles d’aujourd’hui, des avancées du combat de ces femmes qui ont payé un lourd tribut pour leur liberté. Néanmoins, je ne perds pas espoir, demain ne sera que meilleur pour nous, j’en suis certaine.
Des conseils à donner aux jeunes filles d’aujourd’hui ?
C’est plutôt aux parents que je voudrais m’adresser. Je leur dirai en un mot : apprenez à écouter vos filles ! Avant de penser à les marier, aidez-les à construire leur avenir, à s’épanouir… Plutôt que de les surprotéger, apprenez-leur à être indépendantes et responsables de leur propre vie.
Propos recueillis par Karim Kherbouche