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La comédienne Taous Claire Khazem est née au Minnesota aux Etats-Unis d’Amériques un certain 2 mars 1981, de mère américaine et de père algérien, originaire plus précisément de Béni Douala. Dès son jeune âge, avide de connaître ses origines, elle revient en Algérie où elle décide de réaliser des projets théâtraux. Lors du Festival de théâtre professionnel à Alger, elle rencontre le comédien, metteur en scène, scénographe et animateur de stages de théâtre pour jeunes, Mohamed Yabdri. Ils se marient et créent
à Oran Daraja Théâtre. Taous enseigne également l’anglais dans cette ville.

Taous a fait des études à l’Ecole Internationale de Théâtre Jacques Lecoq à Paris. Elle est titulaire d’une licence de Théâtre et Français. En plus d’être comédienne, elle est metteuse en scène, animatrice de théâtre pour jeunes et écrivain. Avec son one-man-show “Tizi-Ouzou”, elle s’est produite à St. Paul, Portland, Seattle (USA), en Alexandrie (Egypte) et à Oran.

Parmi les projets qui lui tenaient à cœur figurait le spectacle intitulé « Timiqwa N’Tmucuha » (Gouttelettes de contes) accompagné d’une formation au profit de jeunes comédiennes. Elle l’a concrétisé l’été dernier en collaboration avec le Théâtre Régional de Béjaïa (TRB) et Amazigh Cultural Association in America. Outre ses compétences incontestables en théâtre, cette belle jeune femme truffée de talents s’avère aussi une bonne enseignante. Se basant sur la pédagogie où l’apprenant construit lui-même son savoir, au lieu de faire jouer à ses comédiennes (Souhila, Aïcha, Nassima, Samira, Iblissem, Faïrouz et Lilia) les contes tels qu’ils sont rédigés dans les livres, Taous a préféré les envoyer sur le terrain pour faire elles-mêmes la collecte des contes auprès de femmes âgées des villages d’Amizour et d’Adekar (Béjaia). Le spectacle est donné au TRB les 27 et 28 août, puis le 29 à Aït Smaïl avant la finale à la Maison de la culture de Béjaïa le 4 septembre. La réussite fut totale.

A Béjaia comme à Tizi Ouzou, là où elle est passée, elle l’a laissé bonne impression. Tout ceux et celles qui ont eu l’occasion de la voir louent son sérieux, son intelligence, son abnégation et sa légendaire modestie. Elle nous a ouvert ses portes et a accepté de répondre à nos questions. 

 

Taous, c’était en 2003 que vous avez foulé, pour la première fois, le sol du pays de vos origines, l’Algérie, quels souvenirs en gardez-vous ?

Je garde des très bons souvenirs de mon premier séjour en Algérie. C’était le mariage de mon oncle donc toute la famille s’était réunie pour l’occasion. C’était une expérience très bouleversante de rencontrer ma famille paternelle pour la première fois. Je me souviens que j’ai pleuré quand je suis partie. Et j’ai juré de revenir.

 

Et depuis, vous êtes revenue plusieurs fois bien sûr. Comment les contes kabyles ont attiré dans votre famille, vous qui résidez aux  USA ?

Chaque culture dans le monde a une grande collection de contes. J’avais acheté un livre de contes Kabyles à Tizi Ouzou et puis d’autres en France.

Je savais qu’il y avait une tradition de contes bien avant l’arrivé de la télé. Mon père m’avait souvent raconté des contes qu’il avait lus dans des livres de Léo Frobenius.

 

Justement, quelle a été la réaction de vos parents quand vous avez décidé d’oeuvrer dans le domaine du théâtre d’expression kabyle ?

Ma mère qui est américaine sait que j’ai une tête dure et quand je dis que je vais faire quelque chose, je le ferrai ! (rire) Cependant, elle avait peur pour moi, surtout pour ma sécurité. Quant à mon père, le projet était une bonne idée, mais lui aussi il s’inquiétait. Je me lance souvent dans des aventures un peu hors norme.

Une fois, je suis allée en Egypte jouer dans un festival toute seule, je ne connaissais personne, je ne savais même pas si le festival était un truc de qualité ou pas. J’ai atterré au Caire à 4 heures du matin. Mais, j’ai adoré et c’est ce festival enfin, forum, (i-act creative arts forum) qui m’a donné le courage de monter le projet en Algérie.

 

Revenons à votre passage à Béjaia où vous avez monté le spectacle «Timiqwa N’Tmucuha » (Gouttelettes de contes). Pourquoi le choisi des contes kabyles ?

Le titre « Timiqwa n’Tmucuha » est venue d’une des comédiennes, Souhila en l’occurrence. Moi, je suis allée à Béjaïa avec l’idée de créer un spectacle basé sur des contes Kabyles avec des jeunes comédiennes. Je voulais les aider à créer un spectacle à elles. Elles ont écrit le texte elles-mêmes inspiré par des contes que des vielles femmes kabyles ont bien voulu nous raconter avec leur propre voix, ce qui fait leur originalité. Quand j’avais dit à mon père que je voulais monter un projet de théâtre avec des jeunes femmes en Algérie, il a eu cette réplique : « attention de leur imposer des textes et des styles américains ».  Après mûres réflexions, j’ai opté pour les contes parce qu’ils émanent de la culture algérienne. Mais ce qui est drôle, c’est que je ne parle pas le Kabyle. Juste des mots. Souvent, on me parle en Kabyle et je me sens gênée car je ne comprends rien ! (rire)

 

Aujourd’hui, comment évaluez-vous cette expérience ?

La création collective est toujours un défi, un challenge intéressant à relever. J’ai essayé de leur apprendre comment faire confiance dans son travail, comment travailler ensemble, écouter les idées et les propositions de ses collègues. La première étape du travail, c’était une sorte de stage de théâtre pendant laquelle j’ai essayé de travailler sur les outils du style de langage, des gestes qui permettent une liberté énorme chez le comédien car il n’y a ni décor ni accessoires. Le comédien lui-même doit créer l’espace.

Les comédiennes ont eu la chance de rejouer le spectacle mai 2009 lors des Rencontres Maghrébines du théâtre en Tamazight à Tizi Ouzou.

 

Avez-vous d’autres projets similaires ou autres ?

Au cours de 2009,  j’ai créé, avec mon mari, Mohamed Yabdri, Daraja Théâtre (www.darajatheatre.com), une compagnie professionnelle qui produit des spectacles en solo. Notre premier spectacle est Rimm La Gazelle de Fatima Gallaire. Mohamed a fait la mise en scène et moi je joue. Au cours des mois de septembre et octobre, j’étais aux USA où j’ai joué dans  Palace of the End (Le Palais de la Fin ) un spectacle avec un texte magnifique qui parle de l’Irak.

 

Qu’est-ce que vous pensez de la situation actuelle du théâtre algérien ?

Entre 2003 et 2008, j’ai cru qu’il n’y avait quasiment pas de théâtre en Algérie donc imaginez-vous ma grande surprise quand j’ai assisté au festival de théâtre professionnel à Alger dès mon arrivé le mois de mai 2008. Mais, j’aimerais voir un niveau plus élevé ! Je pense que les Algériens sont capables de faire plus ! Je pense aussi que pour être bon artiste de théâtre, il faut beaucoup assister à des productions théâtrales de tous les styles et genres. J’aimerais voir des compagnies étrangères invitées ici pour animer des stages, montrer leur travail, inspirer les artistes d’ici. Le théâtre en Algérie a tendance à être trop académique. Le théâtre c’est « faire, bouger, improviser, écouter » et pas forcément que penser.

J’ai remarqué aussi que le peuple algérien préfère des spectacles humoristiques. C’est un petit peu dommage parce que, pour moi, le théâtre n’est pas que du divertissement. Le théâtre peut inspirer, provoquer et mettre en marche l’imagination d’une personne.

 

Un comédien algérien que vous préférez ?

Je pense que je devrais dire mon époux, Mohamed Yabdri !

 

Un dernier mot avant de se quitter ?

Il m’arrive de me dire que je suis un peu folle de quitter les USA pour venir vivre en Algérie, faire de l’art mais je pense que j’ai quelque chose à donner à mon pays et que l’Algérie m’inspire beaucoup.  

                                                  Entretien réalisé par Karim KHERBOUCHE

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